26.04.24 — 20h00
Brasserie du Grillen
19 rue des Jardins
68000 Colmar
TARIFS :
15€
10€ membre/étudiant
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Hier, ou plutôt la première fois qu’on a vu cette joyeuse troupe sur scène – c’était en
septembre 2018, pour la première partie des Goon Sax au Point Ephémère, concert qui a
d’ailleurs failli être leur dernier –, ils étaient... quatre. Oui, difficile à croire. Parce
qu’aujourd’hui, les EggS sont sept, huit, neuf, dix, peut-être même encore plus, on ne le sait
plus trop. Peut-être même qu’un jour, ils oseront faire un concert à trente, s’ils trouvent une
scène suffisamment grande – pour ce qui est des copains, ce sera bien plus facile.
Parce que cette autoproclamée fanfare pop née dans l’esprit de Charles Daneau est,
aujourd’hui plus que jamais, un formidable rassemblement de ce que la scène outsider pop
parisienne a pu produire comme projets marquants. Regardez-donc. Outre Charles
(guitare/chant), mais aussi Grégoire Bayart (guitare), issus de Joujou Jaguar – du proto-
EggS, dixit les intéressés –, on retrouve dans la formation « originelle » Manolo Freitas
(basse), formerly in Deaf Parade, ainsi que Léo Deville (claviers). Ils seront très vite rejoints
par Margaux Bouchaudon (choeurs) et Camille Fréchou (saxophone / trompette), aux
commandes d’En Attendant Ana, Erica Ashleson (choeurs / guitare), moitié de Special
Friend, Rémi Studer (batterie), derrière la guitare dans Betty, ainsi que les deux derniers
arrivés, Cyprien Vandenbussche (saxophone) et Côme Ranjard (lap steel). On a bien
recompté, on est bien à dix – dix musiciens qui figurent sur les crédits de ce *Crafted
Achievement* qui sublime le booze rock de la formation qui a ses quartiers du côté du
Ventre de la Baleine, labyrinthe-studio à Pantin.
« J’ai envie de sortir une connerie, genre que ce serait le disque de la maturité », lance
Charles quand on lui demande en quoi ce *Crafted Achievement* est différent d’*A Glitter
Year* (04/11/2022), premier album d’un groupe qui ne croyait pas, ne croyait plus, en ce
format, et qui s’apprête à sortir son deuxième. « Mais quand même, c’est une version
améliorée de ce qu’on faisait avant, qui était une version améliorée de ce qu’on faisait avant
». Une « version améliorée » dont le principal argument, la principale évolution, selon les
dires de Charles et Léo, tient en un mot : arrangements. Des arrangements qui laissent
chaque instrument, du lap steel à la trompette, en passant par ces guitares toujours
solairement jangly et pluvieusement mélancoliques, ou à ces synthés aussi enfantins que
des coquillettes au fromage prendre la lumière de façon équitable. Contrairement à *A Glitter
Year*, dont l’ajout de saxophones et de choeurs tenaient presque de l’idée de dernière
minute, chacune des huit pistes de *Crafted Achievement* a été réfléchie de manière à
positionner chaque instrumentiste dans les meilleures conditions, seule manière de les avoir
à leur paroxysme, et donc à donner naissance à un album voyant EggS à son zénith.
Mis en boîte au Studio Claudio, enregistré par Alexis Fugain (Biche), puis mixé et masterisé
par Guillaume Siracusa (Special Friend) – là encore, les copains –, *Crafted Achievements*
montre l’étendue des influences de EggS, majoritairement situées du côté de l’indie
américaine et toute la clique de K Records, mais aussi de la Nouvelle-Zélande en plein âge
d’or Flying Nun Records. On retrouve aussi la fascination récente du noyau dur du groupe
pour Wednesday, avec ce lap steel mi cow-boy mi surfeur qu’on entend ça et là, notamment
sur *Head In Flames* ou *Stumbling*. *Angry Silence* ou *Head In Flames* montrent
Charles au sommet du spleen Montreuillois, quand *At The End Of The World* et le duo
*The Maze I* et *II* nous donnent envie de partir à l’aventure et que *High Waisted Jeans*,
*Bob Stinson’s Song* et *Stumbling* pourraient faire un excellent générique à un remake
fauché du Breakfast Club – tourné entre copains, entre deux barbecues et avec la caméra
d’un pote croisé en concert. L’esprit Buddy, quoi.
Faisant un point d’honneur – il veut évidemment que ça figure dans le communiqué de
presse, mais aussi et dans toutes vos chroniques et interviews à venir – à mettre le
songwriting au cœur de son projet, Charles se sert de *Crafted Achievement* pour raconter
son rapport au temps qui passe, au vieillissement, au flétrissement. Une nostalgie qui n’a
jamais vraiment quitté ce grand enfant qui, comme toute sa bande d’amis, a toujours
compris qu’on ne pouvait pas devenir riche en faisant du rock en France en 2024 – du moins
riche d’un point de vue financier, parce que riches d’aventures, ils le sont.